L’imbécile plume de notre président a fait un contresens absurde en choisissant le vers d’un poème d’Aragon qui parle de 1919, quand médecin auxiliaire en Rhénanie occupée, il occupe son désœuvrement dans les bordels, puis s’en souvenant s’interroge sur le sens de la vie. Alors, voici ce poème dont Ferré a extrait la chanson « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? ». C’est un beau texte, mais y piocher un vers, rêveur et ironique, pour évoquer le destin et l’engagement de Manouchian et de son groupe n’a aucun sens. Je trouve ça assez choquant, perso.
Titre : Bierstube Magie allemande
Poète : Louis Aragon (1897-1982)
Recueil : Le Roman inachevé (1956).
Bierstube Magie allemande
Et douces comme un lait d'amandes
Mina Linda lèvres gourmandes
Qui tant souhaitent d'être crues
A fredonner tout bas s'obstinent
L'air Ach du lieber Augustin
Qu'un passant siffle dans la rue
Sofienstrasse Ma mémoire
Retrouve la chambre et l'armoire
L'eau qui chante dans la bouilloire
Les phrases des coussins brodés
L'abat-jour de fausse opaline
Le Toteninsel de Boecklin
Et le peignoir de mousseline
Qui s'ouvre en donnant des idées
Au plaisir prise et toujours prête
Ô Gaense-Liesel des défaites
Tout à coup tu tournais la tête
Et tu m'offrais comme cela
La tentation de ta nuque
Demoiselle de Sarrebrück
Qui descendais faire le truc
Pour un morceau de chocolat
Et moi pour la juger que suis-je
Pauvres bonheurs pauvres vertiges
Il s'est tant perdu de prodiges
Que je ne m'y reconnais plus
Rencontres Partances hâtives
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus
Tout est affaire de décors
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays
Coeur léger coeur changeant coeur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours
Que faut-il faire de mes nuits
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit
C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien
Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un coeur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola
Elle était brune et pourtant blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Et travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu
Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton coeur
Un dragon plongea son couteau
Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.
Laura, Lizzie et les Hommes-Gobelins, aux éditions "la ville brûle"
Coup de cœur pour ce magnifique petit livre à la couverture en toile rouge et or, offert par une amie chère 🥰 qui l’a fait dédicacer.
Une traduction libre et envoûtante du poème de Christina Rossetti, "Goblin Market", par Clémentine Beauvais, et mise en valeur par les illustrations Diglee.
Elle offre une interprétation féministe de ce poème victorien sur l’initiation à la sensualité et la confrontation à la violence.
il est assis au bout de la jetée
il se parle à lui-même
ou bien il parle à l’océan
il dit
je n’aime pas voyager
mais j’aime l’idée du voyage
imaginer les paysages l’un après l’autre
compter les cailloux de la route comme on compte les étoiles
me tromper de chemin l’effacer recommencer
aller jusqu’au bout de l’idée revenir et repartir
sans bouger d’un cheveu
je n’aime pas voyager
mais j’ai tous les voyages en moi
Natalie Diaz ravive en poésie la mémoire dévastée des Amérindiens
Ce premier recueil, «Quand mon frère était aztèque», retrace le parcours de cette autrice majeure, qui joue avec les symboles de l’Amérique et les clichés sur les Premières Nations. Une #poésie qui mêle intime et politique avec habileté.
Tu peux élever tes palais sur nos champs
avec notre labeur et le travail de nos mains,
tu peux installer tes tripots près des usines
et des prisons à la place des jardins,
tu peux lâcher tes chiens dans les rues
et refermer sur nous tes prisons,
tu peux nous voler notre sommeil
nous avons dormi trop longtemps,
tu peux nous accabler de douleurs
nous avons été au bout de la souffrance.
A présent nous savons qui cause nos blessures,
nous nous sommes reconnus et nous sommes rassemblés,
ouvriers, paysans et étudiants ;
notre heure a sonné et nous nous sommes engagés
sur un chemin sans retour.
La victoire est à la portée de nos mains,
la victoire point à l’horizon de nos yeux.
Ahmed Fouad Najm
(Poète égyptien, il écrivait les poèmes que chantait Cheikh Imam, joueur de luth aveugle, marxiste, antisioniste. Tous les deux ont été jettés en prison des dizaines de fois par les dictateurs égyptiens successifs)
Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s’est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis
Son manteau de pluie
Parce qu’il pleuvait
Je fais passer :
"Si vous avez sous la main des poèmes sur le thème du voyage par des poétesses, c'est le moment de les partager, je suis en quête urgente ! (si c'est écrit en français, c'est encore mieux mais je suis attentive à toute proposition en langue étrangère pourvu que je puisse en trouver une traduction française)"
Je termine à l'instant le dernier bouquin de Patrick Pécherot, "À cheval sur le vent", aux Éditions Bruno Doucey. Sur les pas du journaliste et poète Xavier Grall ; la guerre d'Algérie en arrière plan, le Maroc , la Bretagne, la poésie ... c'est un livre fort, beau et grave ! #mastolivre#lecture#littérature#poésie
J'avais envie de lire Rilke
Notes sur la mélodie des choses
J'ai posé le livre
Sur ma table de chevet
Et me suis allongé
J'ai caressé le chat
Et me suis endormi
quand tu veux quand tu peux
quand tu sais quand tu doutes
quand tu pleures quand tu enrages
laisse tout s’échapper
la peur les mots les soupirs les mots
les larmes les mots la colère les mots
les mots tous les mots toujours les mots
quelqu’un que tu ne connais pas
quelqu’un qui ne te connaît pas
ici ou là par hasard par amour
un jour ou l’autre les recueillera
s’en fera un collier pour danser sous la pluie
s’en fera un flambeau pour se sentir vivant
Aujourd'hui, je suis en formation "administrateur DNS" avec @bortzmeyer, organisé par l'@afnic
Joie !
(j'avais initialement écrit afbic à la place d'afnic, @nicolasvivant a proposé l'acronyme suivant : « Association Française pour un Bel Internet en Coopération » #poésie )
La fougère
Cent millions de fois millénaire
Me regarde avec ses petits airs doux et calmes
Plus rien ne peut lui arriver à son âge avancé
"Là tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté"
Comme l’a écrit Baudelaire
Même s'il ne pensait pas à la fougère
Ou peut-être que si
En tout cas moi j'y pense