danahilliot, French

Pour tous ceux qui réfléchissent aux violences policières et aux structures racistes dans lesquelles elles s'inscrivent..

(et considèrent donc que les meurtres et bastonnades perpétrés par la police ne sont absolument pas des "cas isolés", des "exceptions", des "dérives malheureuses", qu'il s'agirait de réguler à coup de petites réformes ou d'aménagements "à la marge"),

je vous conseille de lire, si ce n'est déjà fait, les travaux de Jared Sexton et Steve Martinot, et, en guise d'introduction, sur ce sujet précisément, un article publié en 2003 dans
Social Identities
Journal for the Study of Race, Nation and Culture
Volume 9, intitulé "THE AVANT-GARDE OF
WHITE SUPREMACY", et repris dans le fascinant et très radical volume "Afropessimism" qu'on trouvera ici (pdf en libre accès) :

https://rackedanddispatched.noblogs.org/

(par ailleurs ce volume est passionnant, dérangeant, décapant. - particulièrement quand on est un lecteur blanc européen. On y trouve une collection de textes du radical Frank B. Wilderson, III, de Jared Sexton, Steve Martinot, de la grande féministe noire Hortense J. Spillers, et d'une de mes autrices préférées du moment, Saidiya Hartman, dont le dernier livre, Wayward Lives, Beautiful Experiments: Intimate Histories of Riotous Black Girls, Troublesome Women, and Queer Radicals, me hante littéralement - le genre de livre qu'on lit très doucement, très lentement, pour bien s'en imprégner, en espérant favoriser de la sorte un bouleversement profond, à la hauteur du propos - que ça chamboule l'intimité - les émotions, la pensée.

#biblio #racism #police #stateviolence #afropessimism

Saidiya Hartman, Wayward Lives, Beautiful Experiments
Jared Sexton, Amalgamation Schemes: Antiblackness and the Critique of Multiracialism

danahilliot,

Je ne sais pas si ces auteurs, Jared Sexton, Saidiya Hartman, Steve Martinot, Frank B. Wilderson ont été traduits en français. J'ai l’impression que non.

J'ai récemment constaté que de la grande black feminist Audre Lorde, seuls les textes autobiographiques et quelques poèmes avaient été traduits, mais très peu de ses textes théoriques. (et là je n'évoque que quelques noms dans les continents black - mais je dois avoir une bonne centaine d'auteurs que je tiens pour importants, sans lesquels on rate complètement les problématiques cruciales du monde contemporain, qui n'ont jamais été traduits, ou alors si partiellement... C'est un problème immense à mon avis pour ce putain de pays. Comme si, à l'arrogance coloniale des cultures blanches s'ajoutait l'arrogance pathétique mais douloureuse (quand on se la prend dans la tronche en tant qu'intellectuel pauvre et marginal, suivez mon regard) de intelligentsia française.

ça c'est dit.)

danahilliot,

Du coup ça fait une différence énorme entre ceux qui lisent l'anglais et ceux qui ne le lisent pas.

shaanxilithes,

deleted_by_author

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  • danahilliot, (edited )

    @shaanxilithes
    Oui je suppose 😎

    Mais, de manière plus générale, je suis persuadé qu'un certain nombre de lecteurs français (notamment ceux avec un "capital culturel" on va dire élevé, faut pas se leurrer, au-delà des milieux "académiques"), ne font pas l'effort d'aller explorer les travaux des penseurs qui publient dans des langues étrangères, tant que ces travaux ne sont pas traduits. Alors qu'ils en auraient sans problème les compétences. J'étais un très mauvais élève en langues étrangères au lycée, mais je me suis mis (à cause de ma thèse) à lire régulièrement en anglais, et, franchement, excepté la littérature (notamment mes écrivains préférés, dont l'étendue du lexique dépasse mes compétences linguistiques malheureusement), la plupart des travaux de "sciences humaines" pour brasser large, sont accessibles, à force d'en lire, ça devient aussi facile que lire en français dans mon cas. (d'ailleurs, il m'arrive parfois de lire un bouquin en anglais peu après sa parution, avant de découvrir qu'il a été traduit, mais c'est rare hein)

    Le drame, c'est qu'à se focaliser uniquement sur les textes traduits en français, on finit par dépendre intellectuellement, du choix des éditeurs, lesquels généralement, jouent la carte de la sécurité : ils se contentent de publier les textes dont la notoriété a dépassé les frontières du pays où il a été pensé et publié originellement. Et surtout, seuls sont traduits les textes dont les éditeurs estiment, à tort ou à raison, qu'ils s'inscrivent dans des problématiques "intelligibles" ou familières" aux lecteurs français. Il y a un côté top-down qui me gonfle là. Un status-quo intellectuel. Un conservatisme lourdingue.
    La conséquence, c'est qu'on rate des centaines de débats et réflexions autrement plus vivantes et décapantes que ce que le monde de l'édition francophone a à nous offrir. Et qu'on en reste le plus souvent à cette vision européanocentrée, ce que j'appelle l'arrogance de l'intelligentsia française, qui refuse de considérer qu'en réalité, le plus important, intellectuellement, se passe depuis longtemps "ailleurs", sur d'autres continents.

    On est à la masse complet sur des tas de sujets. Mais on conserve la sécurité de nos petites certitudes, nos réflexions de salons, rive gauche etc.

    helenecollon,
    @helenecollon@piaille.fr avatar

    @danahilliot @shaanxilithes Avis d’une modeste traductrice : Ce sont bien souvent les considérations financières qui priment. Un traduction, ça coûte cher. Même avec l’aide du CNL. Si l’éditeur trice sait que le livre a peu de chances de se vendre il ou elle ne prendra pas le risque…

    danahilliot,

    @helenecollon @shaanxilithes
    Oui évidemment, les éditions en sciences humaines rencontrent énormément de difficultés, ça ne se vend pas, ou pas bien, c'est toujours un risque etc. C'est pour ça que j'invitais (enfin heu qui suis-je pour inviter qui que ce soit à faire quoi que ce soit ? passons !) que j'invitais donc les lecteurs à se lancer dans la lecture en langue originale quand ils le peuvent (et je suis persuadé que beaucoup le pourraient s'ils osaient se lancer - c'est forcément plus difficile au début, faut dérouiller son anglais, ou une autre langue apprise, mais ça vient vite)

    Il y a des domaines où c'est vraiment tragique. Je pense par exemple à l'anthropologie (les monographies d'anthropo), où certains étudiants français n'ont d'autre choix que d'écrire en anglais pour être publiés - les universités anglo-saxonnes disposent d'une puissance financière et éditoriale sans commune mesure avec les universités française. ce qui fait que dans ce domaine, j'ai l'habitude dire que l'édition française (et les lecteurs) d'anthropo a environ 20 ans de retard sur les problématiques et débats qui sont au cœur des réflexions sur les autres continents. C'est terrible. (alors dans les revues spécialisées, on a tout de même des échos, quelques auteurs en France y font référence, mais les textes originaux, faut aller les chercher là-bas - heureusement, de plus en plus d'universités américaines proposent les textes directement en PDF et en libre accès, et on trouve quasiment tout ce qui est publié sur les sites tels que zlib, libgen etc.. (sans quoi la recherche serait réservé à quelques étudiants friqués dans les pays du nord)

    helenecollon,
    @helenecollon@piaille.fr avatar

    @danahilliot @shaanxilithes Je pensais à l’anthropologie aussi. Parmi les grands noms de la discipline versant nord-amérindien, par exemple, presque rien n’est traduit (malgré un récent regain d’intérêt - relatif…), surtout lorsque ce sont des femmes…

    danahilliot,

    @helenecollon @shaanxilithes

    Oui... ça vaut pour toutes les régions du monde, de la Sibérie à l'Amzonie, de l’Himalaya à l'Asie du sud-est.. (je me suis surtout passionné pour les populations "animistes" (dans le sens de Descola, même s'il faut rester circonspect avec cette catégorisation à mon avis)
    Beaucoup d'autrices effectivement dans ma short list !
    J'avais fait cette page de mes lectures de l'époque (mais elle date, y'en a eu beaucoup d'autres depuis)
    https://outsiderland.com/danahilliot/une-petite-bibliographie-de-recherches-recentes-en-anthropologie/

    Et voir ici par exemple (je traduis parfois quelques extraits histoire d'encourager d'éventuels lecteurs :)

    https://outsiderland.com/danahilliot/category/anthropologie/

    helenecollon,
    @helenecollon@piaille.fr avatar

    @danahilliot @shaanxilithes Formidable ! Je pensais plutôt aux « Pères fondateurs », dont pas mal de « Mères fondatrices » qui ont fait tout le taf sur le terrain (aux US, Mexique…) pendant que ces messieurs s’arrogeaient les chaires, bien sûr. D’elles, à part 1 bouquin de Mead, rien n’est dispo en français. 1/2

    helenecollon,
    @helenecollon@piaille.fr avatar

    @danahilliot @shaanxilithes 2/2 J’ai frappé à beaucoup de portes mais faut croire que Ruth Benedict, par exemple (parmi beaucoup d’autres) n’intéresse personne. Dommage. Il y a souvent des destins extraordinaires dans le lot !

    danahilliot,

    @helenecollon @shaanxilithes

    Mais c'est vrai ça que Ruth Benedict n'a pas été traduite..
    J'avais lu partiellement Patterns of Culture (où elle démonte le concept d'adolescence prétendument universel) quand je me préparais à accueillir mes premiers patients (en psychanalyse).

    (période assez passionnante de l'anthropo, Benedict, Mead et Bateson, avec cette implication assez ambivalente dans les institutions de la guerre froide etc.. j'ai lu une série d'articles à ce sujet.. c'est de l' "historiographie" mais c'est important pour comprendre l'évolution des modèles anthropo, les difficultés à se défaire des structures coloniales, puis des politiques de développement etc..)

    helenecollon,
    @helenecollon@piaille.fr avatar

    @danahilliot @shaanxilithes Je veux bien la ref de ces articles ! (Oui, j’exagère 😊)

    danahilliot,

    @helenecollon @shaanxilithes

    Vais me promener et j'essaie de retrouver tout ça ce soir promis !!
    😎

    helenecollon,
    @helenecollon@piaille.fr avatar

    @danahilliot Merci !

    danahilliot,

    @helenecollon

    Alors voilà. Le truc vraiment étrange, c'est ce que je ne me souviens pas comment je suis tombé sur ces textes-là. J'ai deux options qui me viennent : ou bien en lisant l'historien/anthropologue Michel-Rolph Trouillot (Global Transformations: Anthropology and the Modern World) ou bien en lisant le bouquin génial d'un de mes anthropologues favoris, Heonik Kwon, The Other cold war (un vrai chef d’œuvre qui, dans un monde meilleur, devrait avoir été traduit, tout comme l'oeuvre de MR Trouillot d'ailleurs !)

    Mais, peu importe !
    Le texte auquel je pensais était un papier du Peter Mandler (cultural studies), "One World, Many Cultures: Margaret Mead and the Limits to Cold War Anthropology" :

    https://fr.zlib-articles.se/book/59558934/5bf565

    Et le livre, que je n'ai lu qu'en diagonale, de David H. Price, Cold War Anthropology: The CIA, the Pentagon, and the Growth of Dual Use Anthropology (faudra que je prenne le temps de le lire en entier)

    https://1lib.sk/book/16863694/741674

    C'est vraiment un aspect de l'histoire de l'anthropologie qui n'a été véritablement "déterré" que récemment, et là évidemment, il faut remettre dans le contexte l'enthousiasme (pas si univoque) de Mead et ses amis pour le programme d'études des populations coloniales/dé-coloniales dans le contexte de la guerre froide. Toutefois, il y a là un "biais" auquel les anthropologues (issus des universités du "global north", et souvent blancs) doivent réellement se frotter. Ils le font d'ailleurs. Je trouve le travail d'auto-réflexivité "politique" des jeunes anthropologues vis-à-vis de leur propre discipline vraiment passionnant. (et il n'est guère étonnant que chez les anciens "scholars", notamment français, notamment les derniers dinosaures du structuralisme, ça tique un peu 😅

    danahilliot,

    @helenecollon
    ha j'en profite tant que je l'évoque en passant : pour celles et ceux qui brûleraient de découvrir l'oeuvre décapante de l'anthropologue Haïtien Michel-Rolph Trouillot, ses élèves (Yarimar Bonilla notamment, dont ,'apprécie beaucoup le travail), lui ont consacré un "remix", c'est-à-dire qu'ils ont réuni et réorganisé des textes pas toujours accessibles, et l'ensemble est précieux pour avoir une vue d'ensemble de celui dont la recherche dépasse largement les "Caribbean studies" ( ou plutôt qui a montré, comment les Caraïbes, lieu central et originaire de la colonisation et de l'esclavage, constituent le noeud "silentisé" de l'histoire contemporaine)

    https://www.dukeupress.edu/trouillot-remixed

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